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« L’esprit critique » : un cinéma du temps long

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« L’esprit critique » : un cinéma du temps long

Un braquage de banque sans effraction, une plongée dans la ZAD de Notre-Dame-des-Landes tout en douceur et en lenteur, et le portrait d’une peintre tout en affection réalisé sur près de treize années : les trois films dont « L’esprit critique » s’empare aujourd’hui ont pour point commun d’avoir pris tout le temps nécessaire pour saisir leur sujet, avec lequel ils affichent leur tendresse.

On évoque aujourd’hui Los Delincuentes, le nouveau long métrage du réalisateur argentin Rodrigo Moreno, et en écho au Cinéma du Réel qui s’est ouvert à Paris, deux documentaires : Apolonia, Apolonia, de la réalisatrice danoise Léa Glob, et Direct Action, des réalisateurs Ben Russell et Guillaume Cailleau.

« Los Delincuentes »

Los Delincuentes est le nouveau film du réalisateur argentin Rodrigo Moreno, qui signe là son sixième long métrage.

Moran, la quarantaine, est employé de banque et décide de soustraire à son employeur non pas tout l’argent dont il aurait pu s’emparer, mais l’équivalent de ce que lui et son collègue Roman, qu’il inclut dans le projet contre son gré, toucheraient jusqu’à leur retraite.

Moran a planifié son arrestation et va se dénoncer sachant que pour un tel crime, la peine encourue est de six ans, et de trois ans et demi s’il se comporte de manière exemplaire en prison. Il préfère ainsi quelques années derrière les barreaux, en dépit de la violence des caïds qui y règnent, plutôt que deux décennies derrière les hygiaphones de sa banque.

Le film s’engage ensuite avec une grande liberté narrative dans des épisodes amoureux, champêtres, carcéraux, pendant plus de trois heures ; une liberté de forme et de ton qui coïncide avec le propos du film : regagner du temps de vie quitte à briser les conventions sociales.

Los Delincuentes est en salles depuis mercredi 27 mars.

« Apolonia, Apolonia »

Apolonia, Apolonia est un documentaire de la Danoise Léa Glob épousant la vie d’Apolonia Sokol, élevée dans un théâtre, le Lavoir moderne parisien, fondé par ses parents, avant de connaître une ascension fulgurante dans le monde de l’art contemporain, après avoir travaillé à New York et y avoir été repérée par un riche mécène de la Silicon Valley, avant d’être prise en résidence à la Villa Médicis.

À l’origine simple exercice pour une école de cinéma, le film se déploie finalement sur treize années, suivant la carrière de la peintre, mais aussi la relation que celle-ci noue avec celle qui la filme, ainsi qu’un troisième personnage, connu du grand public, puisqu’il s’agit d’une des fondatrices des Femen, l’Ukrainienne Oksana Chatchko, grande amie d’Apolonia Sokol, qui s’est suicidée en 2018.

Davantage construit sur la personnalité de son sujet que sur sa peinture au risque d’une démarche hagiographique, Apolonia, Apolonia est sorti en salles mercredi 27 mars.

« Direct Action »

Direct Action est un documentaire cosigné par le réalisateur américain Ben Russell et le Français Guillaume Cailleau qui se sont immergés pendant deux ans dans la « zone à défendre » (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes.

Le film n’a pas encore de date de sortie en France mais il a été montré à la Berlinale où il a obtenu le prix du meilleur film dans la section « Découvertes » et aussi hérité d’un début de polémique après que Ben Russell a dénoncé un génocide à Gaza au moment de la remise des prix. Il a également été présenté dans le cadre du Cinéma du Réel à Paris.

Contrairement à ce que pourrait laisser entendre le titre en première approche, le film n’est pas un film d’action, du moins dans le sens où l’on entend habituellement ce terme, et il ne s’inscrit sans doute pas non plus dans la tradition documentaire dite du cinéma direct.

Il propose en effet une expérience cinématographique radicale puisqu’il est principalement constitué par quelques plans fixes de plusieurs minutes, qui cadrent successivement l’affûtage d’une tronçonneuse, une partie d’échecs, un vol de drone, un concert militant, un anniversaire d’enfants, un ballet de crêpes ou un labourage de champ… Comme si « l’action directe » annoncée par le titre invitait moins à s’affronter avec les forces de l’ordre qu’à ralentir, ainsi que le fait le film.

On en parle avec :

  • Salima Tenfiche, docteure en cinéma et chargée de recherches EHESS-Mucem ;
  • Alice Leroy, qui publie aux Cahiers du cinéma et dans Panthère Première ;
  • Raphaël Nieuwjaer, qui écrit aux Cahiers du cinéma et également pour Études.

« L’esprit critique » est enregistré dans les studios de Gong et réalisé par Samuel Hirsch.

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