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Les littératures du réel | Mediapart

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Les littératures du réel | Mediapart

Deux récits et un ouvrage théorique : « L’esprit critique » de ce jour s’intéresse aux littératures du réel. Que désignent-elles ? Que produisent-elles ? Quelle place occupent-elles dans le champ éditorial contemporain ?

Pour aborder ces vastes questions pas complètement inédites mais qui se reconfigurent aujourd’hui, on s’ancre sur trois ouvrages. D’abord Le Convoi, publié chez Flammarion, de Beata Umubyeyi Mairesse, dans lequel l’écrivaine fait le récit de la façon dont elle fut sauvée du génocide des Tutsis au Rwanda, qui eut lieu voilà trente ans. Ensuite, Là où la terre ne vaut rien, un récit de Ted Conover situé dans une vallée du Colorado, que publient les éditions du Sous-Sol. Et enfin Le Troisième Continent ou la littérature du réel, signé de l’historien et écrivain Ivan Jablonka et publié aux éditions du Seuil.

« Le Convoi »

Le Convoi est le septième livre de l’écrivaine Beata Umubyeyi Mairesse. Il est le premier publié aux éditions Flammarion et il est surtout le premier à quitter le domaine de la fiction pour faire un récit de la manière dont elle a échappé, encore adolescente, au génocide des Tutsis au Rwanda en 1994.

Beata Umubyeyi Mairesse est né à Butare, seconde ville du Rwanda, située non loin du Burundi, à la fin des années 1970 et a réussi à échapper aux tueurs grâce à un convoi de l’organisation humanitaire suisse Terre des hommes alors qu’elle avait 15 ans. C’est depuis cette position de rescapée, de « rescapée privilégiée » comme elle l’écrit, qu’elle enquête sur ce convoi et les rares images qui en ont été faites après « quinze ans de cheminement incertain » et « une enquête menée aux confins de mémoires étiolées ». 

Dans cette optique, elle s’interroge : « Je ne voulais pas “faire de la littérature” avec notre histoire, mais je ne cesse de me demander s’il ne faudra pas que je cède à cette nécessité. »

« Là où la terre ne vaut rien »

Ted Conover est un écrivain américain, spécialiste de ce qu’on désigne parfois par le « journalisme d’infiltration ». Après des études d’anthropologie, il s’était fait connaître en traversant l’Amérique en train à la manière des hobos, ces travailleurs sans domicile fixe naviguant d’un train de marchandise à un autre, en publiant un livre intitulé Au fil du rail, devenu un classique de cette littérature. Il s’était ensuite fait passer pour un clandestin pour approcher la vie des migrants à la frontière entre les États-Unis et le Mexique avec son ouvrage Les Coyotes, puis avait passé une année à Sing Sing, dans la prison la plus célèbre des États-Unis.

Cette fois, Ted Conover s’est rendu, à partir de 2017, dans la vallée de San Luis, dans le Colorado, où vivent des personnes marginales, « débranchées » des réseaux et des infrastructures. Il en tire un récit intitulé Là où la terre ne vaut rien, publié aux éditions du Sous-Sol et traduit par Anatole Pons-Reumaux. « Il est parfois tentant d’imaginer que la vallée de San Luis, peu peuplée et loin des villes, existe hors du temps, hors des actualités, à l’abri du stress de la modernité. Bien sûr, cela tient du fantasme – un tel lieu n’existe plus aux États-Unis au XXIe siècle », écrit-il, en jugeant également, voire contradictoirement, qu’il pénètre « un monde magnifique, sauvage et mystérieux, un havre pour les presque fauchés ».

« Le troisième continent ou la littérature du réel »

Le Troisième Continent ou la littérature du réel, publié aux éditions du Seuil, est signé de l’historien Ivan Jablonka, auteur de plusieurs best-sellers, notamment Laëtitia ou la fin des hommes, qui avait obtenu le prix Médicis et refaisait l’enquête sur l’assassinat de cette adolescente dans l’ouest de la France, ou Goldman, paru à la rentrée dernière et consacré au célèbre chanteur.

Ivan Jablonka prolonge ici une réflexion commencée notamment dans un ouvrage publié voilà dix ans, titré L’histoire est une littérature contemporaine, où il défendait l’idée de « concilier sciences sociales et création littéraire » et donc de « tenter d’écrire de manière plus libre, plus originale, plus juste, plus réflexive, non pour relâcher la scientificité de la recherche, mais au contraire pour la renforcer ».

Pour en discuter :

  • Lise Wajeman, professeure de littérature comparée qui chronique l’actualité littéraire pour Mediapart ; 
  • Blandine Rinkel, écrivaine, critique et musicienne.

« L’esprit critique » est un podcast réalisé par Samuel Hirsch et enregistré dans les studios de Gong par Karen Beun.

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