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Groupes de niveau : le décret d’application confirme les craintes des enseignants

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Groupes de niveau : le décret d’application confirme les craintes des enseignants

Est-ce la fin des « groupes de niveau » au collège, dispositif défendu par Gabriel Attal du temps où il était ministre de l’éducation, devenu caillou dans la chaussure de sa successeure Nicole Belloubet ? Si la formule chère au premier ministre ne figure pas dans le décret d’application de la mesure, publiée dimanche au Journal officiel, les élèves seront tout de même bien regroupés en fonction de leur niveau. 

« Qu’importe le nom, pourvu qu’il y ait la mesure », avait indiqué Gabriel Attal cette semaine à l’AFP. Le texte précise que « les enseignements communs de français et de mathématiques, sur tout l’horaire, sont organisés en groupes pour l’ensemble des classes et des niveaux du collège. Les groupes sont constitués en fonction des besoins des élèves identifiés par les professeurs ».

Autrement dit, la totalité des élèves de 6ᵉ et 5ᵉ seront divisés en groupes pour la grande majorité des heures de mathématiques et de français, qui représentent plus du tiers du volume d’heures d’enseignement obligatoire. 

Manifestation contre les groupes de niveau à Bobigny (Seine-Saint-Denis), le 14 mars 2024. © Eric Broncard / Hans Lucas via AFP

Le décret publié ce jour ne précise pas la répartition et le nombre d’élèves par groupes de niveau, mais maintient bien l’esprit de séparation des élèves en fonction de leur compétence telle que souhaité par Gabriel Attal. Ainsi, « les groupes des élèves les plus en difficulté bénéficient d’effectifs réduits », stipule le texte.

On est donc loin de la fin des groupes de niveau, comme l’avait laissé espérer les atermoiements de la ministre, qui semblait freiner des quatre fers une mesure en laquelle elle ne croit pas vraiment et qu’elle n’a pas les moyens d’appliquer. Le budget de l’éducation nationale a été récemment amputé de 691 millions d’euros, après les coupes annoncées par le gouvernement sur le budget 2024. Par ailleurs, la ministre dispose seulement de 1 300 postes supplémentaires pour le second degré afin de mettre en œuvre ce dispositif décrié.

La classe entière jusqu’à dix semaines dans l’année

Bien que les groupes de niveau soient en passe de devenir la norme en français et mathématiques, les temps d’enseignement en classe entière ne disparaissent pas entièrement, comme annoncé la semaine passée par le ministère. Ils pourront revenir jusqu’à dix semaines dans l’année. « Par dérogation, et afin de garantir la cohérence des progressions pédagogiques des différents groupes, les élèves peuvent être, pour une ou plusieurs périodes, une à dix semaines dans l’année, regroupés conformément à leur classe de référence pour ces enseignements », mentionne l’arrêté.

Certains enseignants voient d’un très mauvais œil la quasi-disparition du groupe classe, et craignent un effet déstabilisateur pour les élèves. « Il faut imaginer la perte de repères pour des élèves de 11 ans de commencer l’année en classe entière puis de passer en groupe, alerte Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, premier syndicat des enseignants du second degré. La classe doit rester un lieu de socialisation, un lieu où l’on apprend à vivre ensemble », poursuit-elle. 

Autre concession réclamée et obtenue par les syndicats d’enseignant·es et de chef·fes d’établissement : les groupes de niveau ne seront pas figés et les élèves pourront naviguer de l’un à l’autre, en fonction des progrès réalisés au cours de l’année : « La composition des groupes est réexaminée au cours de l’année scolaire, notamment à l’occasion des regroupements, afin de tenir compte de la progression et des besoins des élèves. »

Un compromis loin de satisfaire les syndicats, vent debout contre le principe même d’une répartition par niveau des élèves. « Ça reste une forme de tri social extrêmement stigmatisante, avec d’un côté les élèves les plus forts et de l’autre les élèves les plus faibles », tranche Sophie Vénétitay. 

« La paix des braves entre Belloubet et Attal »

Les enseignant·es partagent aussi le sentiment de faire les frais d’un compromis politique conclu sur le tard entre le premier ministre et sa ministre de l’éducation. La secrétaire générale du Snes-FSU dénonce « un texte qui achète la paix des braves entre Nicole Belloubet et Gabriel Attal, mais passe à côté de tous les enjeux pédagogiques ».

Les équipes pédagogiques, qui préparent généralement la rentrée dès le mois de janvier, ne disposent plus que de quelques mois pour réfléchir à la mise en place des groupes de niveau pour les classes de 6ᵉ et de 5ᵉ. Les classes de 4ᵉ et de 3ᵉ seront concernées pour la rentrée 2025.

Au-delà de ces groupes de besoin , c’est une bonne partie de l’architecture du « choc des savoirs » souhaité par Gabriel Attal qui vient d’être dévoilé ce dimanche par décret. 

Un arrêté acte le changement des règles sur le redoublement : ce sont désormais les profs, et non plus les familles qui ont le dernier mot. Les textes formalisent aussi la création des classes préparatoires à la classe de seconde, pour les élèves qui n’auront pas eu leur brevet en fin de troisième et dont l’obtention conditionnera dorénavant le passage en seconde.

La méthode ressemble fort à un « passage en force » pour plusieurs syndicats, qui annoncent que la mobilisation pour le maintien du collège unique ne faiblira pas. Des actions sont attendues, notamment en Seine-Saint-Denis, où des enseignant·es et des parents sont déjà mobilisés contre le manque d’effectifs et la vétusté des établissements scolaires.

Une journée de grève pour les salaires est prévue ce mardi 19 mars à l’appel de l’ensemble des organisations syndicales.

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